Au cœur de l’alliance africaine : réflexion sur le pacte Cameroun-Algérie (par Guillaume Tefengang)
Mes chers lecteurs,
Au cœur de ce siècle tourmenté, tandis que le monde s’agite, que le choc des États se fait plus sourd, que l’agriculture prend le pas sur l’arme, que le soc de la charrue remplace le glaive des conflits, je pense que l’alliance scellée ce 26 mai 2025, en ce Salon d’Alger, prend valeur de symbole. C’est avec clarté que l’on peut constater que ce pacte, que certains pourraient croire simplement technique, cache en son sein quelque chose de plus grand : la volonté de deux États de s’enraciner dans leur propre terre, de trouver dans le sillon de l’agriculture le fondement de leur émancipation. Cette expérience, mes chers lecteurs, me ramène, toutes proportions gardées, à certains actes politiques du grand siècle, lorsque les princes s’alliaient non par le choc des armes, mais par le jeu de l’alliance, afin d’établir des frontières de paix, de prospérité et de confiance.
Oui, d’une part le Cameroun, ce poumon vert de l’Afrique centrale, chargé de richesses naturelles que le monde lui envie, d’autre part l’Algérie, ce géant du Maghreb, maître de techniques d’irrigation, de déserts apprivoisés, de modèles statistiques robustes, ce sont donc deux États que tout aurait séparé, que l’histoire, le climat, le langage eussent tenus éloignés, et que pourtant le droit, ce langage universel de la relation internationale, a réussi à rapprocher jusqu’à ce que leur collaboration prenne la forme d’un accord-cadre. Cette étape, mes chers lecteurs, n’est pas simplement formelle ; elle souligne, au fond, le retour de l’agriculture en tant que politique de souveraineté, de déploiement stratégique, de connexion des marchés. Cette politique, héritière de traditions multiséculaires, se déploie maintenant sous le regard des États, des organisations multilatérales, des bailleurs de fonds, tandis que le changement climatique, ce fléau des temps présents, force chacun à trouver des solutions d’entente afin d’assurer la paix alimentaire de l’Afrique.
Il appert que ce choix de la médiation par l’agriculture répond non seulement à des nécessités pratiques, assurer la suffisance alimentaire, assurer des revenus stables, stabiliser le monde rural, mais souligne en outre une conception nouvelle de la politique internationale. C’est avec une certaine gravité que l’on voit s’affirmer ce que certains vont jusqu’à nommer une « diplomatie des champs », une politique étrangère en habits de laboureur. Cette transformation des relations entre États souligne que le prestige politique ne se fonde plus sur la force militaire ou la domination, mais sur la capacité de vivre en paix, de se nourrir, de transformer le désert en grenier. Cette expérience, mes chers lecteurs, consiste donc en une expérience politique profonde : elle consiste, d’une certaine manière, à sub conditione, redéfinir le jeu des États en faisant de leur capacité vivrière la clé de leur influence internationale.
I. La politique des champs contre le jeu des armes
Dans le cas de l’accord-cadre que le Cameroun et l’Algérie viennent de sceller, il est bien clair et évident que ce choix de l’agriculture souligne une nouvelle forme de politique, plus douce en apparence, plus robuste en réalité. Ceteris paribus, ce sont des États ayant pris conscience que leur propre développement, leur propre sécurité, dépendent de leur capacité à assurer l’alimentation de leur population, ce que certains, dans le langage des institutions multilatérales, vont jusqu’à nommer « la souveraineté alimentaire ». Cette politique consiste donc non pas à s’enfermer dans l’autarcie, mais à tisser des liens de coopération, de déploiement de connaissances, de techniques, de marchés, afin de rendre leur propre production plus robuste face aux aléas climatiques, politiques et économiques.
D’aucuns pourraient s’en étonner, tant l’histoire politique de l’Afrique a été marquée par des conflits, des frontières héritées de la colonisation, des États faibles en quête de légitimité. Pourtant, le cas de ce pacte montre que le jeu de l’alliance peut se déployer sur d’autres terrains que le militaire, que le politique peut trouver dans l’agriculture le levier d’une nouvelle affirmation de soi. Cette expérience prend donc valeur de cas d’étude, de modèle, que d’autres États du continent pourraient s’approprier afin de transformer leur propre politique étrangère.
Il est bien évident que ce choix n’est pas dénué de risques. La médiation par l’agriculture nécessite des investissements, des transferts de technologies, des formations, des méthodes de suivi. Elle nécessite donc que les États mettent en place des instruments politiques, techniques, juridiques, afin d’en assurer la mise en œuvre. C’est en ce sens que l’accord-cadre prévoit la création de comités techniques, de missions d’étude, de délais de suivi. Cette architecture institutionnelle, mes chers lecteurs, est indispensable afin que ce choix politique soit suivi d’effets, afin que ce que certains pensent être de simples actes symboliques produise des conséquences concrètes sur le développement des États concernés.
II. Une expérience politique en quête de durée
Je pense que le cas de ce pacte entre le Cameroun et l’Algérie souligne le retour de l’agriculture en politique internationale. Cette expérience consiste donc non seulement en une manifestation de volonté politique, mais en la création de structures techniques, de méthodes de suivi, de modèles de formation, afin de rendre vivante et durable cette politique des champs. Cette expérience souligne le rôle de l’État en tant que médiateur de l’action, en tant que maître d’œuvre de politiques multiformes, mêlant techniques, formations, marchés, réglementations. C’est ce retour de l’État en politique internationale que certains trouvent déroutant, tandis que d’autres y voient le retour de la politique en tant que déploiement de la volonté des États de vivre, de se nourrir, de décider de leur propre avenir.
Dans le cas de ce pacte, mes chers lecteurs, le rôle de l’État consiste donc, d’une part, à assurer le suivi des engagements pris, d’autre part, à créer le cadre réglementaire afin que les actes de coopération trouvent leur place dans le droit, que les méthodes de production, de transformation, de commercialisation puissent s’enraciner dans le tissu des États. Cette expérience souligne donc le retour de la politique en tant que capacité d’action, en tant que maîtrise des conditions de la vie en société.
On peut remarquer avec aisance que ce choix de l’agriculture contre l’arme consiste en une expérience de politique de paix, de politique de création, de politique de transformation. C’est ce choix que le Cameroun et l’Algérie mettent en scène, ce choix que certains États vont regarder avec intérêt, afin de s’en inspirer. C’est ce choix que les organisations multilatérales vont devoir soutenir, afin que ce modèle de politique des champs soit généralisable. Cette expérience souligne donc que la politique internationale consiste parfois, contre toutes attentes, non pas en déploiement de force, en démonstration de domination, mais en création de richesses, en production de vivre.
Mes chers lecteurs, tandis que certains États s’arment jusqu’aux dents, tandis que d’autres vont chercher leur salut dans des politiques d’alliance militaire, le Cameroun et l’Algérie vont contre le courant, ils vont chercher leur force dans ce que certains considéraient jusqu’alors comme le plus élémentaire des actes politiques : se nourrir. Cette expérience souligne donc que le politique consiste parfois simplement en la capacité des États de vivre, de faire vivre, de rendre leur propre terre fertile, afin que leur population y trouve de quoi s’alimenter, de quoi vivre en paix.
Ainsi, ce cas, mes chers lecteurs, souligne une vérité politique profonde : le jeu de l’alliance, le jeu de la politique internationale, consiste parfois non pas en déploiement de force, en démonstration de domination, mais en déploiement de vie, en création de richesses, en transformation des conditions de l’existence des États. Cette expérience, en ce mois de mai 2025, souligne donc que l’agriculture peut redevenir le fondement de l’alliance, le socle de politiques de paix. La politique des champs prend le pas sur la politique des armes, le vivre prend le pas sur le dominer.
Dès lors, mes chers lecteurs, une question se pose, que ce cas souligne avec acuité : quelle forme politique ce choix va-t-il engendrer ? Cette expérience consiste-t-elle simplement en une politique sectorielle, en une expérience limitée ? Ou s’agit-il d’une transformation plus profonde de la politique internationale, d’une nouvelle conception de la souveraineté des États, de leur capacité à vivre par et avec leur propre terre ? Cette question, mes chers lecteurs, mérite que l’on s’y arrête, afin d’en explorer toutes les implications. C’est sur ce point que je vous proposerai de revenir, dans une réflexion future, afin de voir jusqu’où ce choix peut conduire la politique des États en ce XXIe siècle.